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L'étude de la semaine: l'inaptitude, une situation délicate à gérer pour employeurs et salariés (1ère partie)

Le 10 janvier 2012

 

L’INAPTITUDE : UNE SITUATION DELICATE A GERER POUR EMPLOYEURS ET SALARIES (1ère PARTIE)


Si l’accident ou la maladie suspend le contrat de travail du salarié, c’est surtout le retour de ce dernier dans l’Entreprise qui doit être géré avec une attention particulière, les risques de condamnation pour l’employeur étant nombreux et les droits à faire valoir pour les salariés étant conséquents.

  

I. Les conditions de la visite de reprise par la Médecine du Travail

 

L’article R 4624-1 du Code du Travail stipule que :

 

« Le salarié doit se soumettre à une visite médicale de reprise effectuée par le Médecin du Travail, outre que congé maternité, dans les cas suivants :

 

-         l’absence pour maladie ou accident non professionnel d’une durée d’au moins 21 jours,

-         l’absence pour cause de maladie professionnelle,

-         l’absence pour accident du travail d’une durée d’au moins 8 jours, 

-         les absences répétées pour raison de santé ».

 

II. La validité de l’inaptitude


Seul le Médecin du Travail, et non le Médecin traitant du salarié ou le Médecin Conseil de la Caisse d’Assurance Maladie, peut se prononcer sur l’inaptitude du salarié.

(Cass. Soc. 10 novembre 1998 N° 96-43.811)

 

 Cet avis d’inaptitude peut être délivré lors de tout examen médical.

 

Il en est ainsi d’une visite périodique (Cass. Soc. 8 avril 2010 N° 09-49.175) ou encore alors que le salarié est toujours en arrêt de travail prolongé.

 

(Cass. Soc. 5 janvier 2011 N° 08-70.060)

 

L’article R 4624-20 du Code du Travail précise que la visite de reprise doit avoir lieu au plus tard dans un délai de 8 jours et est à l’initiative :

 

-         de l’employeur : il s’agit de la situation de principe. L’employeur qui omettrait de faire passer cette visite commet une faute susceptible de justifier une prise d’acte de la rupture.

 

(Cass. Soc. 22 septembre 2011 N° 10.13.568)

 

-         du salarié : soit auprès de l’employeur, soit auprès du Médecin du Travail, en informant l’employeur de cette demande. Si le salarié omet d’avertir l’employeur de sa visite auprès du Médecin du Travail, celle-ci n’est pas juridiquement considérée comme une visite de reprise.

 

(Cass. Soc. 26 janvier 2011 N° 09-65.715)

 

La visite de reprise est fondamentale, dans la mesure où elle seule met fin à la suspension du contrat de travail.

 

(Cass. Soc. 16 février 1999 N° 96-45.394)

 

Le salarié ne peut refuser de s’y soumettre sauf à commettre une faute qui peut être sanctionnée par l’employeur par un licenciement.

 

(Cass. Soc. 28 octobre 2009 N° 08-42.748)

  

L’avis d’inaptitude ne peut être valablement constaté qu’après deux examens médicaux espacés de deux semaines, une étude du poste et des conditions de travail du salarié en vertu de l’article R 4624-31 du Code du Travail.

 

Ce délai de deux semaines est impératif et court à compter de la date du premier examen.

 

A défaut, la procédure de licenciement sera jugée dénuée de cause réelle et sérieuse et ouvrira droit à dommages et intérêts pour le salarié.

 

(Cass. Soc. 3 mai 2006 N° 04-47.613)

 

 C’est à l’employeur qu’il appartient d’organiser le deuxième examen et son abstention sera fautive.

 

(Cass. Soc. 12 mars 2008 N° 07-40.039)

  

A titre d’exception, l’inaptitude peut être prononcée à l’issue d’un examen unique lorsque le Médecin du Travail constate une situation de danger immédiat pour la santé ou la sécurité du salarié ou celle des tiers provoquée par son maintien à son poste. 

 

Dans ce cas, l’avis du Médecin du Travail doit faire apparaître l’existence du danger immédiat et/ou mentionner l’article R 4624-31 du Code du Travail.

 

III. Le contenu de l’avis du Médecin du Travail

 

Le Médecin du Travail doit être clair car il conditionne par la suite les recherches de l’employeur.

 

Il est loisible à l’employeur de saisir le Médecin du Travail pour obtenir des éclaircissements sur l’aptitude du salarié.

 

(Cass. Soc. 15 février 2011 N° 09-72.467)

  

La Cour de Cassation est allée plus loin en imposant à l’employeur de saisir à nouveau le Médecin du Travail du reclassement du salarié lorsque les propositions formulées sont trop imprécises, voire inexistantes.

 

(Cass. Soc. 24 février 2001 N° 97-44.104)

  

IV. La contestation de l’avis du Médecin du Travail

 

L’avis du Médecin du Travail qui reconnaît l’inaptitude physique d’un salarié peut faire l’objet d’un recours administratif par l’employeur ou par le salarié devant l’Inspecteur du Travail.

 

(Cf. Article L 4624-1 alinéa 3 du Code du Travail)

  

L’employeur devra faire preuve de vigilance, dans la mesure où aucun délai n’est prévu par le Code du Travail, ni pour la contestation de la décision du Médecin du Travail, ni pour le délai de réponse de l’Inspection du Travail.

 

Or, récemment la Cour de Cassation a jugé qu’un salarié qui formait un recours contre l’avis d’inaptitude n’était pas tenu d’en informer son employeur.

 

(Cass. Soc. 3 février 2010 N° 08-44.455)

  

L’employeur pourra alors se trouver dans une situation aberrante, dans le cas d’une infirmation par l’Inspection du Travail de l’avis d’inaptitude puisque devant supporter le coût d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse alors qu’il n’a commis aucune faute lors de son prononcé !

 

 V. Le reclassement : une obligation de moyens renforcée pour l’employeur

 

Lorsque le salarié est déclaré inapte à reprendre son emploi que cette inaptitude soit d’origine professionnelle ou non professionnelle, l’employeur doit rechercher un poste de reclassement.

 

v      il doit tenir compte des indications du Médecin du Travail 

 

ð            l’employeur doit impérativement prendre en considération, voire prendre l’initiative de solliciter les propositions du Médecin du Travail.

 

En effet, seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du Médecin du Travail sont prises en compte pour apprécier le respect de son obligation de reclassement.

 

(Cass. Soc. 6 janvier 2010 N° 08-44.177)

  

v       proposer un emploi adapté 

 

ð            le reclassement peut s’accompagner de la mise en œuvre de mesures, tels qu’une mutation, la transformation du poste de travail ou l’aménagement du temps de travail.

 

Il faut également que le poste soit aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé.

 

Ainsi, un employeur a été condamné ayant proposé un poste « d’ouvrier d’exécution » sans autre précision.

 

(Cass. Soc. 10 décembre 2002 N° 00-46.231)

 

 

v       effectuer des recherches de reclassement dans l’Entreprise ou le Groupe

 

ð            comme en matière de licenciement économique, le reclassement du salarié inapte doit être recherché non seulement au sein de l’Entreprise mais également du Groupe auquel appartient l’employeur, des Entreprises dont les activités, l’organisation, le lieu d’exploitation permet d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

 

ATTENTION, l’employeur ne doit pas se fier aux seules réponses du salarié.

 

Il doit même proposer des postes déjà refusés par le salarié par le passé.

 

(Cass. Soc. 15 février 2011 N° 09-42.137)

 

Il a également été reproché à un employeur d’avoir limité ses recherches de reclassement à la région indiquée par la salariée.

 

(Cass. Soc. 16 décembre 2010 N° 09-42.577)

 

Enfin, et contrairement à ce que pensent beaucoup d’employeurs, l’avis d’inaptitude à tout emploi dans l’Entreprise ne constitue pas un sésame et ne dispense pas de rechercher les possibilités de reclassement.

 

L’employeur ne peut pas plus se référer à la position du salarié reconnaissant ne plus jamais pouvoir travailler.

 

(Cass. Soc. 10 mars 2004 N° 03-42.744)

  

Cette situation peut s’avérer complexe dans les petites et moyennes Entreprises.

 

C’est pourquoi, il est recommandé d’échanger par écrit avec le Médecin du Travail, en transmettant copie de ces échanges au salarié, sur les aspirations de ce dernier et sur les possibilités de reclassement.

En effet, c’est uniquement par ces échanges écrits que l’employeur pourra démontrer avoir effectué de réelles recherches de reclassement.

 

 Me Edouard NEHMAN 

 

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