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L'étude de la semaine: les nouvelles technologies et le contrat de travail

Le 10 octobre 2011

 

L’usage quotidien et systématique des nouvelles technologies engendre un contentieux prud’homal croissant.

 

Ainsi, l’envoi de courriels, les connexions Internet et aux réseaux sociaux pendant le temps sur le lieu de travail amènent le législateur, les  magistrats et la Cour de Cassation à définir ce qui est permis pour le salarié et ce qui peut conduire à un licenciement, souvent disciplinaire.

 

La Cour de Cassation fixe également des limites au pouvoir de contrôle et de sanction par l’employeur de l’usage des nouvelles technologies par le salarié.

 

Ainsi, dans un arrêt de principe NIKKON, il avait été jugé que :

 

« le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l’intimité de sa vie privée ;

 

Que celle-ci implique en particulier le secret des correspondances ;

 

Que l’employeur ne peut dès lors sans violation de cette liberté fondamentale prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition par son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur. »

 

(Cass. Soc. 2 octobre 2001 N° 99-42.942)

 

 

Cette liberté accordée au salarié il y a dix ans, est désormais encadrée plus strictement.

  

  • Les moyens de contrôle de l’employeur 

 

 

la mise en place d’une chartre graphique :

 

Par ce biais, l’employeur pourra restreindre les libertés du salarié dans l’utilisation de l’ordinateur professionnel et d’Internet, à condition qu’elles soient justifiées par l’intérêt légitime de l’Entreprise et proportionnées au but recherché.

 

(Code du Travail, Articles L 1121-1 et L 1321-3)

 

Cette chartre graphique devra être soumise à la consultation préalable du Comité d’Entreprise et du Comité d’hygiène, de Sécurité des conditions de travail, à la formation individuelle des salariés, et transmise à l’Inspection du Travail et éventuellement avoir fait l’objet d’une déclaration auprès de la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés).

 

 - les messages professionnels :

 

L’employeur peut les consulter librement, sans que le salarié n’ait à être présent, ni informé.

 

(Cass. Soc. 18 octobre 2006 N° 04-48.025 ; Cass. Soc. 16 mai 2007 N° 05-43.455)

  

les messages personnels :

 

Un message ne peut être qualifié de personnel que si son intitulé l’indique expressément, c’est-à-dire s’il est libellé « personnel » ou « privé ».

 

Ainsi, la Cour de Cassation rejette comme « n’étant pas personnel » un fichier correspondant au prénom ou aux initiales du salarié ou apparaissant uniquement dans le répertoire « mes documents ».

 

(Cass. Soc. 21 octobre 2009 N° 07-43.877 ; Cass. Soc. 8 décembre 2009 N° 08-42.97)

  

Sauf risque ou évènement particulier (soupçon de pédophilie, risque d’atteinte grave aux intérêts de l’Entreprise …), les messages personnels ne peuvent être consultés qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé.

 

Eu égard au secret des correspondances, pénalement protégé, le salarié peut s’opposer à cette ouverture.

Il est donc recommandé à l’employeur de solliciter une autorisation judiciaire sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile pour prendre connaissance des messages personnels du salarié.

 

(Cass. Soc. 10 juin 2008 N° 06-19.229)

 

La protection attachée aux messages personnels cesse cependant en cas de transmission du fichier ou message par un tiers qui en aurait été le destinataire direct et, ce même par erreur.

 

(Cass. Soc. 2 février 2011 N° 09-72.313)

 

Enfin, par exception, ces moyens de contrôle ne peuvent s’appliquer au représentants du personnel, leur mission légale autorisant un droit absolu à la confidentialité de leurs échanges.

 

(Cass. Soc. 6 avril 2004 N° 02-40.498)

 

 

  • Le pouvoir de sanction de l’employeur

 

De manière non exhaustive, sont à relever les arrêts récents de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation qui a jugé que :

 

- commet une faute grave, le salarié qui permet à un autre salarié, non habilité, d’utiliser ses mots de passe et les codes d’accès pour télécharger les informations confidentielles.

 

(Cass. Soc. 5 juillet 2011 N° 10-14.685)

  

- par exception au principe de confidentialité, le salarié peut lorsqu’il s’agit de disposer des moyens nécessaires à l’exercice de sa défense prud’homale, des documents de l’Entreprise dont il a eu connaissance à l’occasion de l’exercice de ses fonctions.

 

(Chambre Criminelle 16 juin 2011 N° 10-85.079)

 

- constitue une faute grave, un usage excessif d’Internet sur le temps de travail (41 heures sur un mois) et à des fins non professionnelles.

 

(Cass. Soc. 18 mars 2009 N° 07-44.247)

 

 - constitue une faute grave des enregistrements de fichiers ou de messages faisant ressortir par leur quantité un usage abusif affectant le travail.

 

(Cass. Soc. 8 décembre 2009 N° 08-42.097 ; Cass. Soc. 15 décembre 2010 N° 09-42.691)

 

 - une correspondance électronique intime entre collègues mais non identifiée comme personnelle, qui s’accompagne de l’envoi d’une photo érotique relève de la vie privée du salarié et ne peut justifier une sanction.

 

(Cass. Soc. 5 juillet 2011 N° 10-17.284)

 

 - le salarié qui ne fait que recevoir des courriels accompagnés d’images litigieuses n’est pas fautif dès lors que l’employeur ne démontre pas qu’il les a sollicitées et qu’il s’agissait d’une pratique habituelle.

 

(Cass. Soc. 14 avril 2010 N° 08-43.258)

  

- est justifié le licenciement pour faute grave en cas de consultations de sites Internet ou d’enregistrements de fichiers à caractère pédopornographique.

 

(Cass. Soc. 15 décembre 2010 N° 09-42.691)

  

- est justifié le licenciement pour faute grave en cas de piratage ou de téléchargement illégal par le salarié.

 

(Chambre Sociale de VERSAILLES 5ème Chambre 31 mars 2011 N° 09/742)

 

 - est justifié pour faute grave le licenciement d’un salarié, qui à l’aide de ses messages professionnels, envoie à un tiers un courriel contenant des propos antisémites.

 

(Cass. Soc. 2 juin 2004 N° 03-45.269)

  

- constitue une faute grave l’échange entre collègues de courriels agressifs et irrespectueux à l’égard d’un supérieur hiérarchique.

 

(Cass. Soc. 2 février 2011 N° 09-72.449)


En définitive, l’attention particulière portée aux nouvelles technologies par le législateur et les magistrats en matière de droit du travail s’explique par leurs incidences sur des principes constants du droit du travail :

 

- le droit au respect de la vie privée du salarié,

- sa liberté d’expression,

- et de manière concomitante le pouvoir de contrôle et de sanction de l’employeur.

 

Ainsi, la Cour de Cassation aura nécessairement dans les prochains mois à se positionner sur la teneur des propos émis par des salariés à l’encontre de leur employeur sur des réseaux sociaux, lesquels mélangent allègrementenvironnement privé et professionnel.

 

 

 

 

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