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L'arrêt de la semaine: la géolocalisation et le contrôle de la durée du travail

Le 04 janvier 2012

 

L’ARRET DE LA SEMAINE : LA GEOLOCALISATION ET LE CONTROLE DE LA DUREE DU TRAVAIL


Le contrôle de la durée du travail est un enjeu majeur pour les entreprises et pour les salariés.

Pour les premiers, il permet la vérification du respect de la réglementation sociale.

Pour les seconds, il s’agit d’un outil de détermination de leur rémunération.

Dans un tel cadre, le recours à la géolocalisation apparaît comme un mode de preuve précis et discret : GPS sur le véhicule, téléphone portable…permettant à l’employeur de collecter un certain nombre de données.

Inversement, elle suscite de nombreuses réticences de la part des salariés.

 

Afin de trancher les litiges croissants, la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) a adopté le 16 mars 2006 une recommandation N° 2006-066 posant des limites quant à la finalité poursuivie et aux données collectées.

Néanmoins, la recommandation de la CNIL n’a pas empêché le développement de nombreux contentieux.

Dans un arrêt récent du 3 novembre 2011 (Cass. Soc. 3 novembre 2011 N° 10-18.036), la Chambre Sociale a soumis la géolocalisation aux principes suivants :

 

v      Le principe de subsidiarité :

 

L’article L 1221-1 du Code du Travail dispose que :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnées au but recherché ».


Avis aux employeurs : l’utilisation de la géolocalisation pour le contrôle de la durée du travail doit nécessairement s’inscrire dans ce cadre.

Si la géolocalisation apparaît comme une technologie commode et efficace, elle doit être limitée à des finalités particulières :

 -        la sureté ou la sécurité de l’employé lui-même ou des marchandises, ou du véhicule dont il a la charge (travailleurs isolés, transporteurs),

-        une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés (ambulanciers, chauffeurs de taxi …),

-         le suivi et la facturation d’une prestation de transport de personnes ou de marchandises, ou d’une prestation de service directement liée à l’utilisation d’un véhicule (transports scolaires).

 

Surtout, la Cour de Cassation pose comme règle inviolable que la géolocalisation ne soit utilisée que s’il n’y a pas d’autres moyens plus respectueux des libertés d’aller et de venir et du droit au respect de la vie privée.

Surtout, l’utilisation d’un système de géolocalisation est exclue lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

 Sont concernés principalement :

-         les VRP,

-         les Cadres étant au régime du forfait jour,

-         les Travailleurs à domicile ….

 

En outre, l’utilisation de la géolocalisation ne saurait conduire à un contrôle permanent des salariés concernés, lesquels doivent avoir la possibilité de désactiver la fonction de géolocalisation à l’issue de leur temps de travail.

Enfin, les salariés investis d’un mandat de délégué du personnel ou de délégué syndical, ne doivent pas faire l’objet d’une opération de géolocalisation lorsqu’ils agissent dans l’exercice de ce mandat.

 

 v      Le principe de transparence :

Afin de pouvoir être utilisée, la géolocalisation, en tant que système de traitement automatisé, est soumise aux conditions suivantes :

 

-         une déclaration préalable auprès de la CNIL, précisant les finalités du système et de la collecte des informations (Loi du 6 janvier 1978 – Articles 22, 23 et 30).

Il a été jugé que l’absence de déclaration à la CNIL retire tout caractère fautif à l’attitude d’un salarié qui refuse d’utiliser un badge géré par moyens automatisés (Cass. Soc. 6 avril 2004 N° 01-41.425).

De même, l’absence de déclaration à la CNIL empêche l’employeur de sanctionner un comportement fautif dont il aurait eu connaissance grâce à ce système.

 

-         l’information individuelle des salariés concernés, en corrélation avec l’article L 1222-4 du Code du Travail qui stipule :

 « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance ».

 

-         l’information collective par le biais du Comité d’Entreprise qui doit être « informé préalablement à leur introduction dans l’Entreprise, des traitements automatisés de gestion du personnel et de toutes modifications de ceux-ci ».

 (Cf. Article L 2322-23-32 alinéa 2 du Code du Travail)

 

Il en va de même pour le Comité d’hygiène et de sécurité des conditions de travail.

Le respect de ces conditions strictes dépasse le cadre du droit du travail.

Ainsi, le détournement des finalités déclarées par l’employeur est sanctionné pénalement par l’article 226-21 du Code Pénal, les peines encourues étant cinq ans d’emprisonnement et 300.000 € d’amende.

L’employeur est donc tenu par ces déclarations, ce qui exclut tout traitement des informations dans un cadre différent.

Il s’agit du corolaire du principe de loyauté et de licéité dans la collecte des informations de traitement automatisé.

 

En définitive, les employeurs devront être particulièrement vigilants dans le choix de la technologie permettant le contrôle de la durée du travail, la mise en place injustifiée d’un système de géolocalisation pouvant avoir des conséquences sur le contentieux de la rupture du contrat de travail.

La Cour de Cassation a, dans l’arrêt concerné (Cass. Soc. 3 novembre 2011), requalifié la prise d’acte de la rupture du contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié reprochant à son employeur d’avoir calculé sa rémunération sur la base d’un système de géolocalisation installé à bord de son véhicule.

 

Edouard NEHMAN

 

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